Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 février 2006 1 27 /02 /février /2006 10:26

 

Les dépenses annuelles d'éducation au niveau mondial se chiffrent à 2000 milliards de dollars, soit plus de 5 % du PIB mondial. L'éducation est l'un des marchés à la croissance la plus rapide affirment les experts. Il est donc normal que les entreprises transnationales s'y intéressent et que partout dans le monde de vastes réformes du secteur public, orientées vers et par le marché se mettent en place.

 

 

 

 

En Europe les réformes pour la  privatisation de l'enseignement se mettent progressivement en place. Mais le sujet est hautement sensible et  il convient d'avancer prudemment. La commission européenne sous la houlette de la table ronde des industriels (E.R.T.) a décidé de prendre les choses en main depuis environ 10 ans. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (N.T.I.C) offrent un prétexte idéal. « Il faut se mobiliser pour entrer de plein pied dans la nouvelle économie. Toutes les écoles européennes devront être connectées à Internet. Tandis que l'on diminuera le nombre d'enseignants et que l'on gèlera leurs salaires, une part grandissante des budgets nationaux et locaux de l'éducation sera consacrée à l’informatisation des écoles ». En France la LOFT entrée en vigueur le premier janvier 2006, par le décret appelé « fongibilité asymétrique », permet un transfert de l'enveloppe « rémunération des personnels » à l'enveloppe « équipement des établissements » mais seulement dans un sens. Le président de l’ERT affiche son intention de devenir le leader mondial du secteur de l'éducation et de l'édition sur Internet, il affirme :

« la responsabilité de l'éducation doit être assumée par l'industrie, elle doit être considérée comme un service rendu au monde économique ».  Pour l'OCDE «  les pouvoirs publics n’auront  plus qu'à assurer l'accès à l'apprentissage de ceux qui ne constitueront jamais un marché rentable ».

 

 

La volonté de faire de l'école, pour la commission européenne, un outil au service de l'économie apparaît dans l'accent mis sur les compétences au détriment des savoirs.

 

 

 « On doit donner à chacun les compétences pour se former tout au long de la vie » ; le socle minimum de compétences est ainsi mis en  avant.

 

 

En France la nouvelle loi d'orientation de l'école pour le secondaire, appelée aussi « loi Fillon », s'inscrit dans cette démarche. Le contenu du socle commun, pour son accent mis sur les compétences plutôt que sur les savoirs et pour l'absence de certaines matières EPS ; arts plastiques ; musique ; ... Suis ces orientations.

 

 

 

 

La réforme se met en place au coup par coup de manière à ne pas provoquer un mécontentement général de la population. Fini, le temps où la loi définissait un horizon symbolique commun : valeurs humanistes et républicaines d’égalité, de laïcité et d'émancipation par le savoir.

 

 

 

La réforme se met en place grâce à la notion de projet, calqué sur le monde de l'entreprise, avec ses objectifs listés jusqu'en 2010. L'an 1 du projet académique sera l'année 2006 - 2007. Il faudra donc avoir un ensemble cohérent de projets d'établissements.

 

 

 

Mais tout cela se fera en perdant chaque année des heures de cours.

 

 

 

 

Alors comment faire mieux avec moins de moyens ?

 

 

 

 

 

 

Une piste : abaisser le nombre d'heures de cours par matière et par classe, augmenter les effectifs par classe, supprimer les dédoublements, supprimer des enseignants jugés inutiles. Cela se fait déjà, mais ces mesures ne seront pas suffisantes.

 

 

 

 

Il est donc proposé de changer radicalement notre mode de fonctionnement par classe et par niveau. Pour cela il faut transformer profondément notre système d'évaluation et le projet d'établissement remplit ce rôle. Il faut un système généralisé de l'évaluation des compétences, destiné à ôter aux enseignants leur autonomie pédagogique au profit de la gouvernance de l'entreprise dirigée par le nouveau capitaine d'éducation.

 

 

L'évaluation généralisée sur des savoirs fragmentés et atomisés en items se fera sur le modèle des évaluations des compétences de la pédagogie par objectifs. Mais pour cela il faut transformer la  pratique pédagogique et même le statut des enseignants.

 

 

On met donc en place les axes essentiels de la réforme Fillon.

 

 

 

 

1)    rentrées 2005-2006 : remplacement de professeurs pour des absences

 

 

de courte durée par des professeurs de l'établissement sur ordre du chef d'établissement et pas forcément dans la discipline enseignée.

 

 

 

 

2)    Rentrées 2006-2007 : mise en place des conseils pédagogiques dans les EPLE (Etablissements Publics Locaux d’Enseignement). Ce sont des professeurs désignés par le chef d'établissement, qui constitueront de fait une hiérarchie intermédiaire, rémunérés en conséquence. Leur dévotion au nouvel ordre pédagogique établi permettra de mettre au pas les équipes éducatives afin d'installer la politique de l'établissement. Le conseil décidera des progressions pédagogiques, du calendrier du contenu des épreuves communes ; du contenu des PPRE ; etc.

 

 

 

 

3)    Mise en place progressivement de la bivalence voire de la polyvalence des professeurs. Le statut du professeur passera de celui de professionnel de haut niveau à celui de simple exécutant.

 

 

 

 

 

 

Selon l'OCDE, « l'apprentissage à vie ne saurait se fonder sur la présence permanente d'enseignants, mais doit être assuré par des prestataires de services éducatifs. Les NTIC permettent de proposer des programmes d'enseignement dans d'autres pays sans que les étudiants ou les enseignants ne partent de chez eux. Les enseignants seront donc les  laissés pour compte des technologies de l'information ». Ils vont massivement perdre leur emploi. Ceux qui resteront seront soit destinés à coordonner « les équipes éducatives », soit destinés à faire de la garderie pseudo pédagogique dans les classes surpeuplées des populations délaissées. En résumé, les didacticiels fournis par le privé remplaceront peu à peu les enseignements dispensés par les professeurs dans les classes.

 

 

Reste à régler l'épineux problème de la reconnaissance pour les états, des diplômes et concours qui garantissent et protègent l'accès aux différentes professions. Là encore, tout a été pensé par des personnes très très compétentes au niveau mondial, employées comme il se doit par des entreprises transnationales.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce système appelé « carte d'accréditation des compétences » présente l’avantage suivant.

 

 

 

 

Un jeune ayant acquis des compétences auprès de fournisseurs commerciaux sur Internet pourra accréditer celles-ci sur une carte personnelle. Il suffira ensuite à un site privé indépendant de « recherche d'emploi » d'analyser ces informations pour lui donner un travail. Le monde patronal n’aura plus besoin de s'en référer à l'État pour embaucher. L'ère du travailleur « Kleenex » est arrivée !

 

 

L'école un des bastions de la république est attaquée de façon sournoise mais terriblement efficace. Le statut du professeur de l'école publique nouvelle formule se dessine devant nous, il sera polyvalent, interchangeable, précaire et soumis à l'autorité du chef d'établissement.

 

 

 

Mais rassurons-nous, de vraies écoles privées, très chères, continueront à dispenser les savoirs tels que nous les connaissons aujourd'hui. Selon les experts des maîtres du monde, il suffit que 20 % de personnes d'une classe d'âge acquièrent une solide formation  pour faire tourner ce nouveau totalitarisme.

 

 

L'idéal républicain est attaqué, la logique ultralibérale est là, osons la regarder, osons la décoder, osons en parler, osons l’affronter, osons la combattre, osons dire non à cette prétendue fatalité et comme le disait André Malraux n’oublions pas que  « l'esclave lui, dit toujours oui »

 

 

 

 

Une citation d’Hanna Arendt pour terminer :

 

 

« la liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lucien Pons

 

 

Nice Alpes-Maritimes, Février 2006

 

 

MRC

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires