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12 novembre 2013 2 12 /11 /novembre /2013 08:35

Mesdames, Messieurs, chers amis villarois, 

Voici  bientôt 100 ans, se déclenchait la première guerre mondiale.

 Nous, français, avons pour habitude, de parler de la bataille de la Marne, du Chemin des Dames, mais plus rarement des effets directs de cette guerre dans nos campagnes, et encore moins, dans nos villages de ce qu’ était devenu notre canton de Villars-sur-Var.

Et en cette année, où une majorité de députés a voté la suppression des cantons ruraux, tels que nous les avons connus depuis plus de 150 ans, il m’a paru utile, pour notre mémoire, de s’appesantir sur le chef lieu de canton, c'est-à-dire Villars. 

Pour cela, j’ai relu le livre écrit par le docteur Michel Bourrier et qui s’intitule :

« Village de montagne à l’heure de la grande guerre. Le canton de Villars-sur-Var ».

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Dans la préface de ce livre, le Professeur Schor écrivait :

« Parmi les combattants exposés à tous les dangers des première lignes, les ruraux constituant la plus grande partie de l’infanterie, représentaient les deux tiers des morts… ».

Et dans l’éditorial de ce livre, le professeur René Gilly, alors Conseiller Général du Canton, témoignait en écrivant :

« Notre patriotisme me parait aujourd’hui presque d’un autre temps par son intensité, sa sincérité et sa spontanéité. Né dans l’attachement viscéral que nous éprouvions pour nos villages enfouis dans ce haut pays niçois  devenu récemment français, il y puisait sa force pour s’étendre au niveau national… ».

 En effet, les jeunes de notre département qui partaient à la guerre en 1914, en 50 ans d’intégration depuis le rattachement du Comté à la France, étaient devenus des patriotes sincères, sans se rendre nécessairement compte que toute la France ne les reconnaissait pas comme de vrais français.

 PHOTOS-11-11-2013-018.JPG

Dans son llivre intitulé : "Sur les chemins de la vérité", René Vestri Sénateur Maire de St Jean Cap Ferrat, décédé récemment, montrait combien le fait d’être français depuis si peu de temps, engendrait des suspicions des français dits « de souche ».

Ainsi les bataillons du sud de la France, de Corse, comme ceux d’Afrique, furent toujours sacrifiés en premier dans les affrontements avec les allemands.

L’affaire des chasseurs alpins « du XV° Corps » est là pour démontrer que les gens du Sud étaient suspects d’un manque de patriotisme et de courage.

Comme quoi l’histoire se répète, on est toujours le suspect et l’étranger de quelqu’un d’autre. 

Mais je vous proposerai une approche de ce sujet dans une autre commémoration.

Ainsi la vie rurale bascule totalement, puisque brusquement, la France du nord entre dans le quotidien du sud, et par la plus mauvaise porte, c'est-à-dire : « la guerre » qui pour l’essentiel se déroule à 1000 km.

Michel Bourrier nous fait vivre cette guerre, mois par mois avec les conséquences terribles sur les familles locales qui perdent un à un leurs enfants.

La liste allait commencer avec Borrelli Louis Scipion né en 1875 et mort le 4 novembre à Paroche dans la Meuse.

Et cette longue litanie va se prolonger durant 4 ans et dans tous nos villages.

La vie municipale est amputée et devient compliquée.

De leur côté, les municipalités du canton, comme ailleurs, se retrouvent avec des veuves, des enfants sans père et sont obligées d’organiser l’assistance à celles-ci, avec les faibles moyens de l’époque.

On en arrive à procéder à des coupes de bois pour aider ces familles.

On vote des emprunts pour achat de provisions pour la population, car petit à petit s’installe la pénurie alimentaire.


Avec la guerre qui dure, des hommes plus âgés partent au front, et c’est ainsi que les Conseils Municipaux perdent des élus.

La vie municipale en devient d’autant plus difficile.

En mars 1915, il manque déjà trois élus :

° Borelli Vincent,

° Borelli Joseph

° Roux Félicien.

Les Préfets exigent des Maires des compte-rendus réguliers sur tout ce qui a été fait en faveur de la guerre dans leur commune.

Et les Maires débordés se font rappeler à l’ordre par le Préfet pour ne pas agir en temps et en heure, comme il se doit. Pour connaître la lourdeur de la charge de 1er magistrat en temps normal,  je plains de tout mon cœur le Maire Jean Batiste Fabre qui, comme les autres Maires de nos villages, eut à gérer ces situations dramatiques.

Le rôle des femmes et des enfants, fut de remplacer les hommes aux champs tout en vivant dans l'angoisse.

En effet, l’effort de guerre, l’absence et la mort des jeunes ruraux, rend la vie de plus en plus difficile dans nos villages montagnards qui n’étaient pas réputés pour leurs richesses.

Les femmes et les enfants se jettent immédiatement dans les travaux des champs à la place des  hommes, car c’est une question de survie immédiate.

Le pire aussi est la question de l'information.

Dans ce contexte bon nombre de familles n’apprennent qu’avec retard la mort de l’un des leurs, et même en cas d’inhumation ne peuvent pas se déplacer pour les honorer. Triste époque !

Les familles reçoivent quelquefois des courriers et y répondent.

Citons le 2ème classe : Robert Miquelis du 112° qui écrit à sa mère.

Nous reproduisons ici certains passages, comme par exemple celui du 18 novembre 1914 :

« Envoyez moi régulièrement par la poste quelque chose pour manger…une toile carrée avec un trou pour y passer la tête pour me protéger de la pluie pas besoin de quelque chose d’élégant ce n’est pas la peine simple bon marché… ».

On constate que les horreurs de la guerre ne sont pas vraiment décrites dans ces lettres et l’on voit combien les mères, les sœurs, les cousines et les tantes sont le support du moral de Robert Miquelis, comme pour d’autres soldats.

Mais, dans leurs courriers, les parents ne peuvent s’empêcher de parler de leur village, et l’on lit : « Tout est bien triste ici. Il reste encore quelques conscrits de la classe 1916 qui vont partir cette semaine. Paul va partir, il est incorporé au 19° d’artillerie à Nîmes… ».

Les décorations.

Nous avons parlé dans d’autres commémorations des blessés, des amputés, des aveuglés, nous n’y reviendrons pas.

Nous préférons rappeler que certains des survivants furent décorés comme par exemple le 15 juin 1996, soit  80 ans après son incorporation, Victor Malbéqui (frère de ma mère). Celui-ci était le dernier survivant du canton. Il reçut la « légion d’honneur » des mains du professeur René Gilly.

Il devait nous quitter deux ans après, à 101 ans.

 

Mesdames, Messieurs, chers amis villarois, nous pourrions continuer des heures et des heures sur ce sujet.

Nous terminerons en nous concentrant sur notre commune :

Villars-sur-Var : 34 morts, et je sais que Colette et Michel ont retrouvé d’autres soldats morts entre 14 et 18 qui sont consignés dans le livre que vous trouverez en vente sur le parvis de la chapelle.

Nous veillerons à ce que ces absents soient inscrits sur le monument, plus tard.

Notons aussi que c’est l’ancien conscrit Marius Perdigon qui avait conservé l’image de 26 d’entre eux.

Deux ans après la fin de la guerre, à Villars, le Conseil Municipal décide d’aligner la chapelle sur les autres maisons de la place qui s’appelait Carnot.

Le 26 janvier 1920 la municipalité délibère en renonçant à demander toute subvention et en prenant à sa charge la totalité de la dépense.

Et c’est le 20 juin 1920 qu’est votée l’installation du monument aux morts dans la chapelle des pénitents

Notons qu’en France il n’existe que 5 monuments de ce type.

Depuis, de nombreuses rénovations ont eu lieu et l’ont peut citer plus récemment les interventions de Bruno Gherbi et de Michel Sidrac.

Evoquons aussi la salle du Poilu, liée à la première guerre mondiale.

C’est l’Association des Mutilés, Anciens combattants,  Veuves de guerre, Ascendants et Pupilles de la Nation du Canton de Villars-du-Var (aidé par la commune) et l’apport pécuniaire d’un généreux villarois, dans un but d’entraide sociale que se lança dans le projet de construction de la salle du Poilu.

Ainsi c’est en mars 1927 que le Conseil Municipal à l’unanimité vote :

Le principe de la cession du hangar communal sur l’emplacement duquel…

sera construite la salle des fêtes de Villars-sur-Var.

La commune se lance à fond dans cette opération et vote une somme de 20 000 francs en précisant :

"Aux fins de construire cette œuvre hautement morale et humanitaire dont le noble but est de répandre parmi la population de nos montagnes des ferments de paix et de fraternité…"

Je tiens à vous dire, Mesdames, messieurs, chers amis villarois, qu’aujourd’hui aussi, j’adhère totalement à cette ambition : "Faire naître dans nos montagnes des ferments de paix et de fraternité".

En effet, actuellement, notre pays agité par des haines diverses, en a bien besoin. 

L’inauguration de la salle, eut lieu le 13 octobre 1929, après une grande fête de bienfaisance qui dura 3 jours.

Chers amis, merci, d’avoir bien voulu écouter un hommage un peu plus long que d’habitude, mais je crois qu’en ces temps troublés, où souvent l’on se replie sur soi-même, il est utile que nous fassions rappel de ceux qui malgré la misère de leur époque surent se montrer généreux et solidaires. 

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